La libellule bafouée – Christian Satgé

Petite fable affable
 
Prêchant toujours d’exemple, et à tout instant,
Une libellule voulant fort rester demoiselle
Est importunée par quelque vieux taon,
Gros bras, p’tite cervelle et tout à son zèle.
À quoi bon épiloguer sur notre Temps
Et la corruption des mœurs qui en découle
Sur lesquels tous les bons fabulistes roucoulent.

Acculée, elle est sommée par le goujat
De se soumettre ou il allait la démettre
De sa virginale aura : on sait déjà
Tout le mal que certains mots peuvent commettre.
Le faraud, finaud, avait tout du naja :
La jactance était une arme pour cette arsouille
Mais son sale aspect ne poussait pas aux papouilles !

« Ma patience est sans fond, comme un puits :
Tu seras vite mienne par la guerre
Si je le dois ; par la paix, si je puis.
Va, mon dard aura tes faveurs, tout vulgaire
Que je te paraisse. Cherche des appuis,
Nul ne t’aidera !… Vas, joue encor’ les coquettes,
Résiste,… : j’attends ça, Beauté, de mes conquêtes ! »

Que l’on approuve ou qu’on blâme ces jouteurs,
On s’indigne par devant, soupire d’aise
Par derrière que le bonimenteur
Ait eu penchant et goût pour cette niaise.
Mais on surveille de près le tourmenteur
Et cet objet de son dévolu qui, de force
Ou de gré, souffre fort dessous sa digne écorce.

À sa guise, un cafard se met à triller :
« Je parle peu mais dis bien : c’est du sage
Le caractère, Ami. Te faire étriller
Sera ton sort si tu vas jusqu’au troussage !

– Fi donc, Noiraud malséant, on veut briller ?
Toi qui ne vis de que pilleries et maraudes,
Tu ramènes, céans, ta fraise et tu clabaudes.
Ne t’inquiète pas, tu auras ta part
De cette mijaurée : j’lui fais son affaire
Et tu pourras exercer, mon salopard,
Le droit de dépouilles. Ça va te plaire !

– Je ne suis pas, comme toi, un Gaspard
Et je crains moins que le ciel me tombe
Sur la tête que de t’envoyer en tombe. »

Le taon, fort surpris, partit après un temps
Promettant prompt retour et male vengeance
Mais nul ne revit son séant à l’étang !
Il en est ainsi de cette commune engeance
Qui, hélas, nous pourrit la Vie par instants
Le premier être qui s’oppose, oui qui ose,
Même seul, affronter le Mal, change les choses !

 
© Christian Satgé – février 2017

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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3 Commentaires
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Anne Cailloux
Membre
6 avril 2019 17 h 09 min

Voila une bien bel fin
il faut osé c’est certain, vous nous le démontrez
bravo
Anne