La garde des moutons – Christian Satgé

Petite fable affable

Dans le pays d’Australie, un berger
Offrait à ses moutons, vivant en troupe,
De boire au ruisseau sans se ménager
Et de manger aux prés leur saoul de soupe.
Ainsi paissaient-ils le cœur bien léger,
Et profitaient de l’ombre d’un verger :
Le soleil ne tannait pas trop leur croupe.
Comme d’aucuns peuvent l’envisager,
On ne pouvait faire plus pour le groupe
Qui engraissait sans se faire égorger.

On évoqua des dingos pour forclore
Les prés où divaguait notre troupeau :
Il n’en pâtura plus que cette flore
Et ne buvait qu’à sa source son eau.
Moins d’ombre aussi : pour échapper aux phores
Les arbres finirent en sémaphore.
On ne pouvait, sans risquer laine et peaux,
Faire ni plus, ni mieux que les enclore :
Pour que l’animal ait repos, dispos,
Pour son confort, c’est le plus indolore !

On en vint à manger foin en ballots,
Bientôt, et, pis, à boire à la citerne
Car l’enclos fut réduit, et au galop,
Un diable en menaçant flore et luzerne.
Dans la boue, les ovins au teint palôt
Avaient l’essentiel, se disant, l’œil à l’eau :
« Ne nous plaignons pas car nous pourrions vivre
En batterie. Ça c’est un autre lot :
Des tourteaux… et des antibio’ pour suivre
En attendant boucherie, mon pélo ! »

Garde-toi de ces bergers
Qui, ici-bas, ne te protègent
Que si l’enclos pour t’héberger
Restreint ta liberté, l’allège.
Garde-toi surtout du danger
D’être satisfait en ce piège !

© Christian Satgé – février 2014

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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9 Commentaires
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Invité
29 octobre 2018 0 h 11 min

Merci Christian très belle et profonde fable dont les mots sont recherchés et forts, bravo faire recours à des anciens mots ça fait que pimenter un peu plus nos sens recherchés bravo
Douce nuit
Mes amitiés
Fattoum

Anne Cailloux
Membre
28 octobre 2018 16 h 08 min

J’adore naturellement
cela laisse à réfléchir….
Vous avez le don de trouver de bons vieux mots qui n’existe plus
je suis jalouse mince
merci de vos mots.
Anne

Invité
28 octobre 2018 9 h 22 min

Merci Christian, gardons nous des prisons et des barbelés tendus par nos bourreaux, pour l’homme, c’est pareil;