La force des choses – Christian Satgé

                       Petite fable affable

 

Un héron au long bec emmanché d’un long cou”*
Se tient planté, droit comme un « i », les pattes
Prises par le gel qui a, malheur, tout-à-coup
Embastillé l’onde, en a fait une boite
Dans laquelle tourne, et retourne, le fretin
Que n’effraie plus notre prédateur si hautain.

 

Figé comme statue, bêta cloué sur place,
Le Héron regarde s’enhardir le poisson
Qui va et qui vient, protégé par la glace,
Taquinant son pied, chatouillant sans façon
Ses griffes inertes. Cet affût, sans fin, dure
Autant que les affronts poissards qu’il endure.

Le froid, qui plus est, hélas, transit ses os.
Pour l’heure, c’est lui seul que son bon bec gobe ;
Ce froid, lourd et las, qui a saisi ses eaux.
Et les écaillés, rassurés, le snobent
Faisant chatoyer au soleil leurs couleurs,
Ne craignant de cet oiseau mort ni heurts.

Et le temps passe ainsi, mais le soleil qui brille
Élime et lime le miroir verglacé
Sous lequel, prenant un fort mauvais pli, frétillent
Vasards et vaseux qui, sans tant s’angoisser
Pour une impunité pourtant précaire, briment
Le bel échassier qui pourtant ne déprime.

Le taquiner devint un tic mais le climat
Radoucit et l’usage inoffensif d’offenses
Et d’avanies contre qui, avant les frimas,
Frimait s’acheva en un carnage dans l’anse.
L’habitude est, qu’on soit un sage ou un branleur,
Mère d’imprudence et conduit au malheur.

* Jean de La Fontaine, Le Héron, Fable VII, 4.

*

© Christian Satgé – septembre 2014

 

 

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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