La falaise du malaise – Christian Satgé

         

La mer mord la roche.
L’écume s’accroche,
Dentelles déchirées par le roc
Qu’elle laboure encor’ de son soc,
Qu’elle cogne et casse
Et puis se fracasse…

En manque d’inspiration,
Tout là-haut, sur la falaise,
J’entends la respiration
Murmurante de la mer
Qui meurt, seule et mal à l’aise,
Au pied de l’à-pic amer
Enraciné dans son ventre.
Ses sauts et ses soubresauts,
En violents assauts l’éventrent,
Le réduisent en morceaux.

La mer mord la roche.
L’écume s’accroche
Aux ravines, aux fissures, à l’orée
D’arêtes luisantes dévorées,
Affûtant les lames
Qui me brisent l’âme…

 

Les vagues grondant, tonnant,
Lentement, sûrement, sapent
Cette proue de continent
Et la fureur des rouleaux,
Du sac et du ressac, frappe
La paroi où des sanglots
D’embruns déchirent la craie ;
Comme elle effile l’aiguille
Elle gifle l’arche ocrée,
Bat et fouette ses chevilles.

Depuis le Levant,
Un rêve de vent
Se brise avec fracas dans les brèches
Où les brisants, dans les rochers rêches,
Traînent en langueurs,
Privés de vigueur…

Eaux folles et flots tumultueux
Laissent, ici, éclater leur colère,
Au flux et au reflux torrentueux,
Écument d’une rage moirée…
Pourquoi donc cette ire atrabilaire,
Qu’accroît la mâle humeur des marées,
Alors, qu’ailleurs, l’océan mourant
En rides sages saigne le sable ?
Le sort est-il si intolérant
À l’homme, falaise périssable ?

Depuis le Levant,
Un rêve de vent
S’écrase sur la craie des falaises,
S’enroule à leurs pieds où, n’en déplaise,
Sur l’estran bruni,
Tout sable est banni.

 

© Christian Satgé – août 2011

 

 

 

 

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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8 Commentaires
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Invité
3 mai 2018 12 h 45 min

Je suis une grande amoureuse des falaises et de vos écrits, mais l’eau est toujours la femme.

Invité
3 mai 2018 2 h 36 min

Tout sable est banni très belle chute, beau et doux poème décrivant agréablement les composantes de la mer et leurs mouvements parfois ils sont doux et romantiques et d’autres fois ils sont violants et battants,
Bravo Christian
Douce nuit
Amitiés
Fattoum.

Invité
2 mai 2018 20 h 32 min

Entendre et ressentir la mer sous vos mots,
sa fureur et le vent, c’est magique….
Merci Christian
Amicalement

Chantal