La critique est aisée… – Christian Satgé

Petite fable affable

Une vipère lovée sur une couvée
Se piquait de bon goût et de littérature.
Elle devint donc « critique » et lors ne trouvait
Rien qui, à son gré, ne mérite rature
Au moins, censure au plus. Le fiel pour venin,
Et l’œil mauvais, ma chère, dès le bon matin
Elle vomissait sur tout auteur sa bile.
Sa langue fourchue mais déliée, habile
En saillies et cruelle en railleries, frappait
D’un sceau d’infamie qui avait front et toupet
De se penser écrivain. Quel espoir débile !

Un satiriste badin, aimant il est vrai
Souffleter son prochain d’un bon mot, d’une phrase
Affétée, pondit un opus où il œuvrait,
Vielle au cœur et plume à la main, d’un ton qui abrase,
À gourmander les vices qu’on cache en fourrés
Ou taillis, à dénoncer la corruption avérée
Du temps et des mœurs en une forte chronique
N’épargnant ni bêtes ni hommes, ces cyniques,
Ni boqueteaux, ni prés, ni guérets, ni marais,…
Il entendait bonifier la ville, toute attrait,
Réformer les champs… quitte à mettre la panique.

On pouvait croire de prime connivents
L’ophidienne et le bélître, mauvaises langues
Ayant en détestation leur prochain et vents
Mauvais pour quiconque mais le second, en sa gangue
De roideur, quoi qu’il avouât fort volontiers
Que son libelle n’était pas des meilleurs psautiers
Qu’il ait, las, conçu, fut fort rebroussé de lire
Ce qu’en disait l’autre, il en fit quelques délires :
Plus blafard que blanc et la face chaffourée,
Fumasse pour tout dire, il voulait se fourrer
En l’antre vipérin lui faire avaler sa lyre.

Sourd aux objurgations de ses bons amis
Et aveugle aux périls de pareille aventure
Il se colleta au serpent, et pas à demi,
Comme on le ferait, après une déconfiture,
Du premier gautier venu pour se soulager
Ou entre guillaumes ne voulant se ménager :
Il l’aurait, glouton, glouti tout cru à l’entendre
Sans autre forme de procès. Il n’était pas tendre
Ce moraliste qui se disait simple observateur
De nos sottises et non quelconque contempteur
Il a juste oublié que gît un océan entre
Mots désagréables par soi et à soi dits,
À la franche marguerite, et se les entendre
Dire : ce qu’on s’avoue navre moins, pardi,
Que ce qu’on oit. Même pareil. Même assourdi.

 

© Christian Satgé – janvier 2019

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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