Guerre de 14-18 – Daniel Marcellin-Gros

Guerre de 14-18

 

Une horde de teutons envahissait la plaine,

Et les culottes rouges baïonnette au canon,

Transperçaient l’ennemi pour faire taire sa haine,

Et le sang ruisselait sur leurs beaux pantalons!

L’ennemi en surnombre et beaucoup mieux armé,

Repoussa les français bien loin de leur frontière,

Ils creusèrent des tranchées sans pourtant s’alarmer,

Des hommes cependant ils perdirent plus du tiers!

Les obus dévastaient les champs et les chemins,

Les marmites tombaient en éclairs foudroyants,

Chacun baissait la tête la prenant dans ses mains,

Et les prés calcinés n’étaient plus verdoyants!

Les arbres décharnés recelaient des cadavres

Hideux et suspendus aux branches mutilées;

Devant cette tuerie chacun cherchait un havre

De paix momentanée sous la voûte étoilée…

L’artillerie lançait des salves incandescentes

Sur l’ennemi terré comme un lièvre au gîte,

La réplique était sure et c’était la descente

Aux enfers, ponctuée par le chant des marmites!

Les visages étaient pâles et les membres tremblants,

Quand il fallait sortir des tranchées dos courbé,

Assaillir l’ennemi levant un drapeau blanc,

Cette supercherie, nul ne put la gober!

C’était le corps à corps horrible et bestial,

Les hommes entremêlés s’unissaient dans le sang,

Ces bêtes fauves avaient des dents de cannibales,

Et qui tombait mourait du choc retentissant!

Les poilus aux tranchées ne mangeaient pas souvent,

Car les roulantes avaient du mal à les atteindre,

Les cuistots au nez rouge cuisinaient sous l’auvent,

Leur âme comme le feu sur le point de s’éteindre!

Tout le monde réclamait sa ration de pinard,

Ce gros rouge ruisselant sur leur fière moustache,

Leur faisait oublier hideurs et traquenards

Et sur leur veste bleue faisait de larges tâches!

Les lettres attendues occupaient leurs pensées,

Dans les boyaux le vaguemestre se faufilait,

Remettant à chacun le pli tant convoité,

Qui n’en recevait pas trouvait ce manque laid!

Les rats comme les poux étaient leurs compagnons,

Gros morbacs pour les uns et totos pour les autres,

Ils s’épouillaient à la lumière d’un lumignon,

Pourtant ils étaient sales comme un cochon se vautre!

C’était la grande guerre celle de nos papas,

Qui vaillamment luttaient contre l’ennemi proche,

Ils défendaient leur terre souvent à petits pas,

Sans peur et sans reproche ils chassèrent les boches!

Tout le monde y passa du plus haut au sans grade,

Les hommes tour à tour mouraient ou bien vainquaient,

Ah! non ce n’était pas de simples algarades,

Et tous les réfractaires passaient au tourniquet,

Tels tous ces fusillés paraît-il pour l’exemple,

Rébellion de dix sept par des hommes horrifiés,

Devant tant de cadavres au costume trop ample

Et dont les yeux ouverts semblaient vous regarder !

Souvent je pense à vous, et à vos croix de bois,

Vous avez abreuvé nos sillons de sang pur,

Vous étiez moins peureux qu’une biche aux abois

Vos mémoires sont pour moi gravées dans un roc dur!

Combattants de quatorze, combattants de dix-huit,

Vous fûtes couronnés des lauriers de la gloire,

Vaillamment vous avez mis l’ennemi en fuite,

Par votre sang versé vous entrez dans l’histoire!

Les teutons de naguère maintenant sont des mythes;

Les fantassins reprirent Douaumont et son fort,

La vengeance vînt à l’heure , et si vous vous promîtes

D’être épargnés par eux, vous vous trompâtes fort!  

Car le sang à grands flots inonda notre terre,

Dans ces éclats vermeils il sécha au soleil,

Verdun fut massacrée sous un ciel délétère,

Et le chant des corbeaux résonne à nos oreilles!

Or le son du canon plus fort que cent tonnerres,

Continue de rouler dans la tête des soldats,

Qui même en temps de paix redoutent encor l’ enfer,

Dont ils ont réchappé après les durs combats!

Oh soldats qui partiez en wagons à bestiaux,

Vous agitiez vos drapeaux et vos blancs mouchoirs,

Vous pensiez revenir à la maison bientôt,

Mais cet espoir puéril dans l’horreur vous fit choir!

L’ennemi fut très âpre, car il voulait la France:

(France mal préparée pour les rudes combats,)

Le bruit des mitrailleuses martelait la cadence,

Décimant trop de lignes et les mettant à bas…

Mais, c’était sans compter sur les hommes de Nivelle,

Qui devant la mitraille se relevaient toujours,

Les cadavres la nuit s’enterraient à la pelle,

Les obus infernaux les déterraient le jour!

Ce Général était la terreur de ses hommes,

Qui le craignaient encor bien plus que l’ennemi,

Ce boucher très haï n’était pas économe

De la vie des poilus qui se sentaient trahis!

Vous fûtes en ces temps conduits à la boucherie

Les fleurs de vos fusils sont à jamais fanées,

Après longtemps de guerre et de sauvageries,

Les armes se sont tues pour de longues années!

Oh poilus courageux vous fîtes moult veuves,

Vous croyant morts parfois elles prirent un amant,

Tandis que vous luttiez elles faisaient peau neuve,

Parfois même surprises avec des Allemands!

De nos jours il n’est plus de ces luttes épiques,

Où l’homme rencontrait l’homme en des combats glorieux

On oublie maintenant baïonnettes et piques!

Car la guerre est un monstre assoiffé et furieux!

Je veux vous rendre hommage enfants de la patrie,

Sans qui nous ne serions peut-être plus français,

Tant d’hommes sont tombés, en sanglantes fratries

Qu’un curé courageux aux tranchées bénissait!…

Oh soldats valeureux qui partîtes à la guerre!

Délaissant votre femme et votre cher foyer,

Vous fûtes héroïques tel les preux de naguère,

Car l’ennemi, jamais, ne put vous faire ployer!

 

Après tant de massacres, après tant de défunts,

Nivelle céda sa place au Général Pétain,

Qui pommadé de frais empestait le parfum,

Mais releva l’armée et fut d’un bon soutien!

Econome en hommes, telle était sa devise,

La peau d’un soldat vaut que si elle est vivante,

Il tournait sa moustache et fumait sous la brise

Et marchait sous les cieux, pensant aux nuits sanglantes!

Il fomentait des plans dans son état major,

Poussant un drapeau là et un autre ici,

Puis sortait prendre l’air dans le triste décor

Pensant à l’ennemi bientôt à sa merci!

De jour comme de nuit il fit la voie sacrée,

Des norias de camions empruntèrent ce chemin,

Où tant d’hommes cependant se firent massacrer ,

Mais pourtant le combat allait changer de main!

Sans oublier Verdun et le Chemin des dames,

Où tant d’hommes courageux luttèrent jusqu’au bout,

Le temps s’est arrêté et sous les oriflammes

Des soldats esseulés restaient encore debout!

Les survivants criaient croyant à la victoire,

En pensant voir déjà le wagon de Retonde,

Mais il était encore bien long le tunnel noir,

Et des chagrins funestes firent déborder la bonde!

Les caissons lourdement chargés de munitions,

Tirés par des chevaux montaient jusqu’aux tranchées,

Ravitailler en armes toutes les positions

Bien des bêtes mouraient les membres arrachés!

Pauvres soldat:” Poilus” qui bûtes jusqu’à la lie

Dans la coupe d’horreur le breuvage exécré,

Le clairon n’a jamais sonné de hallali,

Et vous fûtes glorieux jusqu’ au fond des tranchées!

Or, ce clairon sonna les assauts et la charge,

Et l’ennemi terré, suant, craignait le pire,

Le lourd sac, la capote, vous mettaient en surcharge,

Mais vous couriez afin que l’ennemi expire!

Vous courriez, haletants, dans la neige et la boue,

Aux fils des barbelés vous ôtâtes les sonnettes,

Un obus éclata vous enterrant debout,

 On nomma cet endroit: tranchée des baïonnettes!

Cet acte incroyable fut une horrible chose,

Le destin se chargea d’abréger vos souffrances,

On oublia pourtant de vous porter des roses,

Vous les gars résignés qui mourûtes pour la France!

Horrifiés, incrédules, vous criâtes vengeance!

La main sur le couteau et l’autre sur le cœur,

Vous fîtes ravaler aux boches leur arrogance,

De ces assauts terribles vous sortîtes vainqueurs!

Et ces nuits de terreur, dans les tranchées boueuses,

Lorsque vous entendiez les pioches assassines,

Saper la terre sous vous pour y loger des mines,

Et tout faire sauter aux aurores nauséeuses!

Pourtant vous aviez ordre de tenir jusqu’au bout,

Malgré la peur horrible qui nouait vos entrailles,

Et lorsque la relève arrivait pleine de boue,

Voue lui laissiez un peu de vos maigres victuailles!

Pauvres hommes hirsutes, dans le piège fatal,

Vous regardiez partir ceux que vous remplaciez,

Touchant sur vos poignets la gourmette de métal,

Que la mort impavide, trop tôt viendrait scier!

Ouvriers, paysans, vous fûtes aux premières loges,

Acteurs de l’épouvante, pauvre chair à canon!

Vous offriez votre sang, sans réclamer d’éloge,

Que celle d’avoir vingt ans, et celle de dire non!

Non à cet ennemi et à son imposture,

A sa rage de vaincre pour s’aliéner la France,

Vous avez combattu dans toutes les postures,

Faisant don de vos vies et de vos dures souffrances!

Vous avez parsemé les champs de croix de bois,

Inhumant vos copains dans les terres souillées:

<<Par la botte des Teutons telle que meute aux abois!>>

Les combats ont trop fait de veuves aux yeux mouillés!

Vous avez enrichi tous les fabricants d’armes,

Que ce soit d’un côté ou d’autre des frontières,

Ces magnats, goguenards n’ont pas versé de larmes,

Ils frottaient leur gros ventre sur des bourgeoises altières!…

Vos parents, à l’arrière du front, priaient pour vous,

Proclamant que la guerre était un crime laid,

Et leurs sanglots pleuvaient sous le gui et le houx

Quand ils recevaient la moitié du bracelet!

Je voue à la Légion toute ma reconnaissance,

Je veux lui dire merci le cœur tout bouleversé

A tous ces bons soldats devenus fils de France,

Non par le sang reçu mais par le sang versé!

Ces hommes au grand courage étaient en première ligne,

Ils épaulaient nos frères lors des assauts sanglants,

Ne pas le reconnaître pour moi serait indigne,

Car ils mouraient pour nous, sous les canons beuglant!

Ils étaient nos amis, et pourtant sanguinaires,

Faisant fuir l’ennemi sous leurs lames luisantes,

Ne craignant pas la peur, ils maîtrisaient leurs nerfs,

Infligeant à l’ennemi des défaites cuisantes!

Anglais, Américains furent à nos côtés,

Les Doug boys renforcèrent nos armées en dix sept

Courageux ces soldats en armes bien dotés!

Balayant l’ennemi, tordant sa gueule inepte!

Ils connurent les tranchées, et la soif, et la faim,

Pensant à leur pays, tel que des exilés,

Comme nous, de la guerre, ils attendaient la fin,

Exécutant les ordres sans jamais sourciller!

L’aviation balbutiante volait timidement,

Ou lâchait quelques bombes tels des pétards mouillés,

Tandis que le baron rouge côté allemand,

Avec sa mitrailleuse nous faisait dérouiller!

Avant de refermer les pages de mon récit,

Je veux encore citer les spahis, les malgaches,

Qui tous participèrent aux combats, sans merci,

Les uns avec des lances, les autres avec des haches!

Car tous sans exception nous aidèrent dans la guerre,

C’est grâce à eux surement que la France est moins blonde,

Les Allemands vaincus, sans repentir signèrent

L’armistice sur la table du wagon de Retonde!

*

©Daniel Marcellin-Gros – 2018

 

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1 Commentaire
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Invité
22 juin 2018 10 h 44 min

Mon grand-père paternel a fait cette guerre, j’habite près du Chemin des Dames qui garde l’empreinte des bombes ;Une guerre très meurtrière, au corps à corps ; merci pour ce texte