Goupil est plutôt subtil – Christian Satgé

Petite fable affable

Adossé aux lézardes moussues d’un mur branlant,
À moitié désempierré, mais de lierre
Richement habillé, Maître Renard, d’un œil lent,
Regardait le monde aller par champs et bruyères
À son train d’enfer de façon cavalière.

Il était, comme tous ces empressés, pourvu
Non seulement du nécessaire mais encore
De l’agréable ; or pour tous ces m’as-tu vu
Ce n’était pas suffisant, comme le croient pécores :
Ils se voulaient chasseurs, il n’étaient que proies
De leurs désirs, n’ayant jamais assez de tunes
À mettre en turne, de biens qu’envieraient les rois,…
Riches d’un superflu qu’ils appelaient « fortune ».

L’une de ces braves bêtes était un blaireau
Qui, pour arrondir un embonpoint qui n’en demande
Pas tant, remuait sans cesse terre et terreau
Et brassait l’air qu’il ne pompait pas, moue gourmande
Et regard à vide. Ce vil olibrius
Disait que voler un voleur était bien. Quel gus !

Goupil voulait se jouer de ce grand malade
Qu’il soupçonnait d’avoir visité son poulailler,
Nuitamment. Il suffisait d’une guignolade.
À force de rêvasseries et de bailler
Des songes creux à son esprit, il imagine
Un stratagème pour confondre le fendard :
Il fit savoir qu’il rapinait force frangines
Pour étoffer son poulailler de viandard.

Le bruit se répand comme cocorico de l’aube.
Le blaireau, riant, se voit déjà ripaillant
De nombre de poulets rôtis, poules en daube,
Poussins à l’étouffé, œufs mouillettes larmoyants,…
S’en délectant à s’en dilater la bedaine,
Il ne lui restait plus qu’à attendre la bonne aubaine.

Chaque soir, Renard partait donc, pour revenir
Au matin avec une ou deux prises nouvelles.
Le rayé calcula que, s’il devait intervenir,
Ce serait au mitan de la nuit ; sa cervelle
Lui souffla qu’il n’aurait qu’une opportunité :
Gruger par deux fois un rusé, en ce bas monde,
Ne se pouvant ; aussi, sans ambiguïté,
Il lui faudrait prendre le plus possible à la ronde.

Ainsi fit-il. Mais ses bras trop chargés et ses mains
Occupés à tenir ses victimes l’empêchèrent
De sortir de leur enclos. « Pris comme un gamin,
L’ami ! fit le Renard au matin. Faisons chère,
Ajouta-t-il, le croquant : qui fait un pas plus long
Que sa jambe ne se plaint de choir comme plomb ! »

© Christian Satgé – décembre 2019

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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