Géorgie 1930
John marchait sur le trottoir
Le long d’un mur il vit
Quelques caisses abandonnées
Il en prit une et s’assit
Sortit de sa boite son saxo
Et il se mit à jouer quelques arpèges
Et déclinaisons pour se chauffer
Sur le trottoir d’en face
Les quelques blancs qui passaient
Le regardaient bizarrement
Ibrahim venait vers lui
De sa démarche lourde et chaloupée
De vieux travailleur des champs
Il prit une des caisses
S’assit et sortit sa guitare de l’étui
Et commença à gratter des accords
En neuvièmes et septièmes
De manière syncopée
Ils ne se connaissaient pas
Ils ne s’étaient jamais vus
Sur le trottoir d’en face
Les quelques blancs qui passaient
Les regardaient bizarrement
Ils attaquèrent un bœuf
Un blues qui vous donne
Une mélancolie joyeuse
Qui vous transporte
Maria qui passait par là
Les entendant revit son enfance
Les chants de Grandmama
Le soir après la journée de labeur
Dans les champs de coton
Lui revinrent en mémoire
Les larmes lui vinrent aux yeux
Elle s’approcha des deux musiciens et commença à fredonner bouchée fermée
Après un rechange de regard
Les deux compères
Entamèrent l’air de Maria
Maria ne résista pas
Et se mit à chanter
D’une voix assez basse
Et légèrement rocailleuse
Sur le trottoir d’en face
Les quelques blancs qui passaient
Les regardaient
De plus en plus bizarrement
Certains même proféraient
Des insultes à voix basse
Autour d’eux les gens commençaient
A s’attrouper et à frapper dans leurs mains
Pour marquer le tempo
Certains même attaquaient les chœurs
Ils étaient tous à la joie du rythme
Sur le trottoir d’en face
Les quelques blancs qui passaient
Les regardaient haineusement
Et vociféraient des injures
L’un deux alla prévenir la police
Le shérif et ses adjoints arrivèrent
Matraque à la main et foncèrent dans le tas
John Ibrahim et Maria furent arrêtés
Sur le trottoir d’en face
Les quelques blancs groupés
Ne les regardaient plus bizarrement
Mais riaient contents de la tournure des événements
Devant un juge blanc
Ibrahim et Maria furent accusés
De désordre sur la voie publique
Et d’incitation à la révolte pour chant séditieux
Et condamnés lui à la pendaison
Et elle a dix ans de prison
John lui fut acquitté
Il eut beau protester il ne lui fut rien reproché
L’on mit en avant son passé de vétéran de 14/18
Cela se passait dans les années 1930
Au fin fond de la Georgie
Dans une petite ville tranquille
Ibrahim fut pendu deux jours plus tard
Maria mourut au bout de sa troisième année
De prison suite aux mauvais traitements subis
Quant à John écœuré il quitta ce grand pays
Démocratique et mit à parcourir le monde
En luttant contre le racisme
Sous toutes ces formes
© Jean-Louis MACE – 21/01/2018
Merci pour ce rappel poète!
J’ai aimé vos mots qui nous restituent, avec beaucoup de réalisme, l’atmosphère des lieux en ce temps là.
Adrien.
Oh! qu’est ce qu’il est fort ce texte, en effet l’humanité a vécu une amère vérité avant l’abolition de l’esclavage au USA. En lisant ce texte mon coeur me pince fort.. Car ces êtres sont condamnés à tort. Au contraire on doit gratifier l’art et pas le torturer le tuer. ces musiciens démunis ont donné à l’univers des chefs-d’œuvre en blues et en Jazz.
Merci d’avoir partagé ce très beau et émouvant texte
Bien à vous Jean-Louis
Mes amitiés
Excellente journée et bonne continuation
Fattoum.
Très beau texte traitant de la bêtise des hommes
qui engendra des actes inqualifiables….
Bêtise telle une maladie qui est loin d’être guérie, hélas !
Merci pour cet écrit, Jean-Louis
Cordialement
Chantal