Gecko & Co – Christian Satgé

Petite fable affable

En vrai calotin, un peu cabotin,
Un gecko prêchait prou en son lointain
Désert sans rencontrer âme qui vive
Goûtant à ses sermons, ni de convives
Voulant bon gré communier avec
Lui. Ça ne lui gelait pas le bec !
Sa foi était celle d’un naja d’Inde
Qui avait converti pintades et dindes,
Au temps jadis. Préceptes éculés
Et, hélas, ascétisme calculé
Avaient permis à ce serpent modèle
D’avaler, tous contes faits, ses fidèles.

L’histoire se sut jusques aux confins
Du monde et notre reptile, peu fin,
Y vit opportunités pour sa pitance
Si maigre en son désert de circonstance.
Mais ses prêches ne faisaient pas florès
À cause de l’aventure à Bénarès !

Notre gecko, dans l’eau intermittente
D’un oued timide, l’âme contente,
Aimait à se mirer comme un crapaud :
Il s’y trouvait, très humblement, fort beau.
Sous le sceau du secret, je vous confesse
Qu’il adorait, oui, y tremper les fesses.
Un jour qu’il s’adonnait à ce plaisir
Bien véniel, il eut le loisir
D’entendre un bruit et prit la fuite :
Un prédateur était à sa suite,
Sans doute. Chacun le vit donc courir
Et on glosa lors qu’il noulait mourir.

Et puis on s’interrogea sur la cause,
Sur qui voulait lui faire des choses
Menant à trépas. Et on en déduisit
Que sa foi, condamnant l’hypocrisie,
Avait indisposé un grand ou le trône.
C’est ça : il a déplu à la couronne !

Par solidarité ou par esprit
De contradiction, là, on se prit
À se convertir vite à sa si chaste
Religion du réprimé. Ah baste,
Rien ne vaut la persécution
Et le martyre, ou son illusion
Pour pousser à l’imitation,
Aux vils tourments voire à la passion.
C’est bien connu, même chez les Hommes
Qui répètent en écho, pauvres pommes :
« Suivez, et on vous fuira
Mais fuyez, et on vous suivra ! »

© Christian Satgé – février 2020

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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