“Être ou ne pas être” – Monique Morro

Brouillard de mots - Monique MorroExtrait du recueil “Brouillard de mots”. Pour plus d’information, rendez-vous sur: www.edilivre.com/doc/596256

An 2040….été torride…Monk, treize ans, guette l’horizon, l’œil inquiet.

Il mastique une sorte de pâte à menthe car il n’a plus de dents et ses gencives roses en ont pris un sacré coups…Sa peau de lézard lui est douloureuse et est devenue jaune car il y a bien longtemps qu’il ne s’est hydraté.

Il n’a plus d’ongles non plus, car il ne s’alimente plus et s’est un tantinet décalcifié. De la poche qui fait part entière de son corps, placée comme celle des kangourous d’antan, il sort un petit objet en métal à qui il commande sa ration. Puis il caresse le cadran et se met à sniffer. Lorsqu’il eut pris sa “dose” des chiffres s’alignèrent sur le petit engin et une voix d’outre-tombe lui indiqua que cette dose lui était avancée d’une semaine et que cette dernière serait défalquée sur la deuxième quinzaine de la prise du mois.

Il n’eut pas l’air trop préoccupé et fixait toujours l’horizon. La température très haute créait des amalgames de groupuxules d’insectes, des flopées de microbes et d’organismes qui sciaient l’air opaque, pénétraient dans le nez, la bouche, les oreilles, et tous les orifices existants sous les aisselles, dans les fentes du dos et sur l’extrémité de ses antennes creuses.

Quatorze heures s’affichèrent en rayons laser dans l’espace brouillé de cette banlieue désertique. Il regarde ses pieds qui signalaient en rouge vif “presque plus de combustion”. Alors il s’assit sur le sol mécanique vert aux clous cuivrés qui passait devant lui et se laissa glisser sur quelques mètres tout en léchant avidement: pour l’instant c’était le seul moyen qu’il employait à survivre, ces quelques gouttes de NR14 qu’il purifiait en avalant avec sa double langue.

Il ouvrit sa porte cochère à son mollet droit et en sortit une arme en forme de tournevis qu’il brancha sur le seul poteau qui restât autonome. Il pensa que ces guerres étaient bêtes tout comme celles d’antan que lui avaient contés les livres parlants qu’il avait plaisir à entendre, puis il sortit de sa fesse une photo sur métal en fonte animée qui représentait ses parents, et l’interrogea avec plaisir.

Soudain le ciel referma sur lui sa taule d’acier gris noirâtre et de petits chalumeaux s’ouvrirent sur cette zone pour laisser passer des petits jets d’eau vitaminés. Le sol happa cette source bénéfique autant que le fit Monk, et la transforma aussitôt.

Monk s’alimenta de la rouille naissante comme une fleur l’aurait fait de la rosée du matin. Aussitôt tout son métabolisme en ressentit les bienfaits. Le ciel alors s’ouvrit à nouveau, et l’air opaque dressa sa mine patibulaire et vérolée. Du lointain, les pattes de l’araignée géante avançaient lentement, tissant les fils lumineux pour préparer la nuit.

-Un jour de plus, pensa Monk, qui s’achève…peut-être cette fois-ci ce sera mon meilleur score.-.

Alors il ouvrit son ventre et y inséra précautionneusement d’abord ses jambes, puis ses bras, son cou et sa tête. Il s’endormit ayant programmé le songe de sa victoire proche, mais sa fatigue était telle que son mental n’afficha qu’un grand point d’interrogation pour toute berceuse, intercédé par une pluie de recettes de cuisine: autant de moutons à compter.

C’est à ce moment-là qu’il sentit qu’on le secouait, qu’on le giflait même. Il se réveilla en sursaut et en nage.

Que faisait-il sur la descente de lit? Il appréhenda son corps, le lieu où il se trouvait, les gens qui l’entouraient…C’était bien lui, petit Pierre…et dans sa chambre…entouré de maman et de sa sœur Claudette…une bonne odeur de chocolat chaud et de tartines grillées s’élevait de la cuisine. Marthe arrivait avec le plateau du petit-déjeuner.

Jamais il n’avait été aussi heureux! Il se prépara pour une bonne journée terrestre pendant laquelle il eut même besoin d’aider maman et Marthe à la cuisine. Pourtant il fut confondu lorsque en s’habillant, tomba de la poche de son pyjama un petit morceau de pâte à menthe…bien réel…bien d’un autre temps. Il fut transporté d’effroi et de joie mêlée et se garda bien d’en parler.

Il se tâta encore, regarda ses dents et ses ongles: tout était intact. Mais son comportement avait changé; il appréciait davantage tout ce qu’il refusait auparavant! Même les carottes râpées qu’on avait l’habitude de lui infliger à chaque entrée de repas! Il regardait le ciel bleu qui antérieurement était chose due, d’une étrange façon admirative! Il alla à la messe avec un engouement peu connu de sa personne…il prenait ses bains avec une délectation sans borne…il lui arriva même de faire déborder la baignoire! En revanche, il regarda de moins en moins la télévision, fuya délibérément le téléphone, ne joua pas davantage sur ses ordinateurs, et ne se rongea plus les ongles!…

Une nuit, alors qu’il s’agitait pour trouver sa position dans le lit, tourmenté qu’il était de peur de revivre cette effroyable expérience, il fut attiré par une douce chaleur comme une étreinte bienfaitrice. Il suivit des yeux cette source, et fut ébloui par un astre qui était de l’ordre d’un engin spatial avec des millions de petites lumières étincelantes qui l’empêchait de soutenir son regard. Il se garda bien d’interpréter ce mystère, mais cette apparition le conforta dans sa conviction d’une autre vie extraterrestre, bien qu’il l’ait regardée comme un homme préhistorique aurait surpris un avion! Petit Pierre arbora dorénavant la vie avec une toute autre réceptivité. La peur le quitta, et il affronta les choses l’œil en fleurs. A partir de là tout lui réussit et il se fit plus d’amis qu’il n’eut pu en souhaiter!

Fin

 

Monique MORRO

Nombre de Vues:

4 vues
Elsa Mary

Elsa Mary (28)

Elsa MARY, née le 15 janvier 1988, après un baccalauréat littéraire, a commencé ses études à Paris IV-Sorbonne dans le parcours Langue, Littérature, Civilisation Etrangère italien, anglais avec l'option théâtre italien, avant de se réorienter dans le parcours Théâtre, Lettres modernes à Paris III-Sorbonne Nouvelle.
Passionnée d'arts, elle a suivi des cours de sketches au café-théâtre "Le Bout", joue de la guitare, compose des partitions pour des poèmes, va voir des pièces de théâtre et des films, et continue ses recherches en autodidacte pour ses prochains textes.

Monique MORRO est née le 8 mars 1949. Elle s'est éclatée aux Baléares, pendant une dizaine d'années, en tant que réceptionniste. Puis ce fut la chute sur Paris, après un grave accident, les séjours nombreux dans un hôpital psychiatrique libre. A partir de là, elle se mit à découvrir l'écriture et le dessin automatique. C'est là où elle commença sa petite recherche en autodidacte.

S'abonner
Me notifier pour :
guest

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Voir tous les commentaires