Du peuple du cerf – Christian Satgé

Petite fable affable
 
Un grand cerf faisait la tournée des bois
Son fils mettant ses premiers bois.

C’est éduquer un prince quand on l’emmène
Faire le tour de son futur domaine.

Ce ne sont que courbettes en lisière
Et révérences en clairières
Pourtant le roi reste marmiteux
Quand son dauphin se sent un impiteux
Orgueil face au respect de toute bête
Pour son père, donc pour lui : Malebête
Elle-même semble là domptée,
Sujet sur lequel on peut compter.

Oeil aux aguets, le daguet andouille
Bien plus qu’andouillé, lors bafouille
Voyant la face du paternel,
Fort maussade et l’air très solennel :
« Père, pourquoi cette promenade
Vous met à dol ?… Nulle bastonnade
Et aucun quolibet à déplorer !
Votre – oserais-je sans me leurrer
Dire « Notre » – peuple vous adore
Et le montre sans que vos pandores
Ne les y poussent bon gré mal gré.
Et votre nom n’est point dénigré !

Ne fais fonds sur rien ni personne
Car la fortune est souvent oursonne.
Ce n’est pas là question d’honneur.
Je ne suis pas, et par bonheur,
Douillet sur ce point-là. Mais le peuple
Est et restera, toujours, « le peuple » :
Soit-il, en son for, fort vertueux
Il est changeant et prou tortueux.

Hier, vois-tu, il me chantait pouilles
Et aurait craché sur ma dépouille
Si, las, j’avais eu moins bonne main.
Si, malheur, j’étais battu demain
Il adulerait mon vainqueur, et l’âme
En paix, comme méshui, il m’acclame.

 
Elle n’aime que les Premiers
Cette plèbe aimant jérémier,
La paient-ils de son obéissance
En deniers plus qu’en écus – chance
Que ce ne soit pas en fumier ! –
L’abaissent-ils jusqu’à déchéance, 
Forts de sa docile impuissance ! »
 
© Christian Satgé – décembre 2018

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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