Crabette & ses deux sœurs – Christian Satgé

Petite fable affable d’après un conte pyrénéen
Crabette est une charmante biquette,
Qui avec, ses deux jeunes sœurs, caquette
En culeyant, c’est-à-dire en tortillant
Du croupion d’aise, quand elle avance
Vers les pâtis des estives, brillants
De rosée fraîche qui font sa jouvence.
Là, tapi, on ne sait comment perché,
Un ours les guettait sur un gros rocher :
« Où allez-vous donc aimables fillettes ? »
Crabette, bêlant de peur, répondit
Au Monsieur aimant les plus grassouillettes
Proies, fort cordial, entre nous soit dit.
« Alors je vous croquerai mes bichettes
Au retour, quand replètes bachelettes
Vous serez donc ! » et de rire il bailla.
Crabette et ses deux sœurs pourtant reprirent
Leur route vers les hauteurs, à quia,
Sans plus se trantoler et sans sourire.
Nos chèvres, à peine arrivées à leurs prés ,
Craignent déjà le moment d’après,
Celui, tantôt, de la redescente
Où, las, elles vont finir en ventrée
D’ursidé et donc elles se lamentent.
Les oit un renard de cette contrée.
« Allons petites, pourquoi tant de larmes ?
Vous n’avez pas encor’ rendu les armes !
N’êtes-vous point cornues ? fait le malin

– Certes, mais c’est un ours qui nous espère !

– Contre une bolée de lait opalin
Je vous promets de revoir mère et père ! »

Sur le qui-vive car c’est un roué
Que ce bon roux-là, et des plus doués,
Nos trois cabres avec la bête pactisent.
Contre son bol, le goupil leur roula
Des billes avec la pâte que, bêtise ?,
Un pastou avait abandonnée là.
Puis il écrasa au jus des framboises,
Les y roula après qu’éclat d’ardoise
Il y planta. Il ficha ces objets
Au sommet des cornes de Crabette
Surprise, comme alentour quelques geais,
Et aussi à celles de sa cadette.
Mais rien pour la benjamine.
Là les caprines interrogent, la mine
Soupçonneuse, le renard satisfait
De lui : « Quand l’ours, sans doute en attente,
En bas, vous verra avec ces effets,
Prou repues, donc encore plus tentantes,
Il ne pourra s’empêcher, ce balourd
De vous demander, la voix de velours,
Ce que sont ces choses, là encornées.
Dîtes-lui que ce sont yeux de fauves :
Toi de renard ; elle de loup. Borné
Oui, mais curieux car, on ne s’ensauve
Pas comme cela chez ces bons gros lards,
Il demandera donc pourquoi ses dards
Ne portent rien. Là, vous direz qu’elle
N’aime rien moins que les ours du coin
Et, qu’hélas, aujourd’hui cette cruelle
Veut se payer l’un de ces malengroins.
 
Il s’enfuira alors à toutes pattes
Et cherra peut-être en sa carapate
Car il n’est pas, ici-bas, de menace
Aussi terrible soit-elle, dont on
Ne se soustrait pas, même pris en nasse,
Avec un peu d’habileté dit-on. »
© Christian Satgé – février 2020

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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Invité
24 février 2020 18 h 26 min

Ah ! Dans les Pyrénées, on badine autant avec “Crabette”, ses soeurs, qu’avec le langage. Merci Christian !

Invité
24 février 2020 11 h 42 min

Merci et bravo Christian pour vos magnifiques et profonds partages dans un verbe captivant et révélateur.