Je suis orné de feuilles d’or
De boiseries et de dorures
Et trône comme un mirador
Voyez comme j’ai fière allure
Je suis un grand miroir ancien
Posé sur cheminée empire
Du salon couleur byzantin
Dans mon éclat on vient se mire
Mais…
Si vous saviez ce qu’il s’y passe
Sous les grands lustres pampillés
Des scènes et des situations cocasses
Se passent là, sous mon reflet
Je vois tout, mais je ne dirai rien
Enfin … pour vous… je vous dirais
Que je surprends tous les câlins
De la chambrière et du laquais !
Mais oui, mais oui, je vous l’assure
Des billets doux et des mouchoirs
S’échangent ici dans l’encoignure
Furtivement, quand vient le noir
Je n’ai pas besoin de lorgnons
Quand j’entrevois, des mains si lestes
et les baisers volés polissons
Sur les cous des jeunes soubrettes
Et que dire des poufferies
Et moqueries bien incongrues
Des demoiselles de compagnie
De la Marquise un peu cocue
On parle bas, mais j’ai ouï
Qu’il se prépare des complots
Escarmouches, coups bas inouïs
Conspirations sous le manteau
Je vois aussi des larges poches
Qui se remplissent à qui mieux mieux
D’argenterie, cristal, limoge
Qui s’offrent à cent dix mille yeux
Je suis au fait des commérages
Et des querelles de clocher
Ce qu’on raconte au voisinage
Sur la place ou sur le marché
Ah ! Une main tourne le loquet !
Je vais devoir rester de glace
Je n’ai rien vu et suis muet
Je ne veux pas perdre ma place
Chuuutt ! …
.
©S Gibert
Joli poème, quelle bonne idée de faire parler ce miroir qui peut traverser le temps et a tant à voir !
Bonne semaine,
Avec mes amitiés,
Simone.
Un superbe texte où l’on ne peut être que complice de ce miroir qui sait tous les secrets de la maisonnée…