C’ÉTAIT LE MOIS DERNIER – ORION

Des tréteaux, une chaise, un micro, l’instrument,

Sur la scène baignée d’un halo. Lentement

L’artiste marche et vient au centre, puis s’arrête,

Adresse à sa guitare un hochement de tête,

La prend avec respect, à gestes mesurés,

Gratte quelques accords, prépare sa soirée.

Sa compagne de bois verni, collier de notes,

Robe en épicéa dont le grand âge n’ôte

Pas le moindre artifice au charme suranné,

Se laisse découvrir, sillet enrubanné

Aux couleurs corridas et fêtes andalouses !

Dom de Lucia choisit un îlot de pelouse

Et mime, en l’enserrant, un baile flamenco,

Comme une douce extase – impulso cordiaco !

Sous les yeux des passants curieux qui s’agglutinent .

Puis arrive Évyta, danseuse adamantine,

Toute en ruchés, volants, jupe à pois ajustée,

Pivoine dans le blond de ses cheveux gantés

D’une résille noire, en grappe, sur l’oreille.

De Lucia s’est assis, secret, ferveur pareille

Aux âmes recherchant l’intime connection .

Le phrasé de ses doigts déploie sa conviction

Et son torse fluet, soudain, prend fière allure !

Tragique et passionnée, chassant sa chevelure

Dans un mouvement sec de nuque et de menton,

Sa reina, femme flamme, à la bouche en feston,

Lève ses bras gracieux et joue des castagnettes.

Le couple se rejoint, fusion de l’art, cueillette

Des vivats dans la foule amassée maintenant

Près d’une gare immense, un public piétinant

Descendu de wagons venus de la planète !

On hurle, on veut les voir, on sort des baïonnettes,

Dom de Lucia transcende un duende d’argent,

La magie absolue, quand, soudain, un agent

Les entraîne, haletants, jusqu’à l’hélicoptère

Qui se dilue dans l’air dès qu’il a quitté terre !…

**************************

C’était le mois dernier où, sursaut de jouvence,

J’étais venu gravir le Géant de Provence,

Nous attendions en gare, oubliés par le train.

Evy dormait d’un œil, près de moi. Sans entrain,

J’étouffais de chaleur au-dessous d’une affiche

De spectacle espagnol, de danseuses fétiches

Dans un coin du midi ou un jardin public…

Quoi de plus alléchant, quand vous vient le déclic,

De chercher du papier, un sous main, une plume

Et de tromper l’ennui, pesant comme l’enclume,

Dans le silence épais d’un cœur d’après midi ?

Le reste vient tout seul…Il n’est pas interdit

De bâtir, où qu’on soit, des tréteaux en Espagne !

Orion

(oeuvre protégée@tous droits réservés)

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Orion Yesbleu

ORION (2)

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