Celle aux dents longues comme sa langue – Christian Satgé

       Petite fable affable

 

Toujours prête à tout, jamais bonne à rien,
Cette castor-là, en vrai, aurait bien
Un jour, à l’ouïr marié la carpe
Et le lapin comme jadis, escarpe,
Elle sautait du coq à l’âne en tout
Et pour tout. Cette épouse castratrice,
Qu’a fuie son époux en pays bantou,
Fut aussi une mère claustratrice
Abandonnée par des fils risque-tout.

 

Pour ses vieux jours, la voilà donc seule,
Encabanée car l’hiver est vents veules,
Rongeant son frein, ruminant sa rancœur
Ratiocinant sans fin que son bon cœur
L’avait perdue et qu’hélas, sans vergogne,
Le monde, si ingrat, l’a condamnée
À la solitude, indigne carogne,
Et, pis, à l’oubli comme une damnée.

Car elle avait eu beau changer d’adresse
Plusieurs fois dans sa vie sans vraie tendresse,
Elle qui déménageait du ciboulot,
Chaque fois, sous peupliers ou bouleaux,
Elle tombait, le ciel au dieu ployable
Est témoin, sur d’irascibles voisins,
Sur des relations infréquentables
Ou, pis, sur d’insupportables cousins.

« Et ma mort sera à la triste image
De ma vie dessous tous ces verts ramages :
Personne pour me pleurer. C’est blessant
De savoir ces égoïstes gloussant
Et bavant sur mon corps froid, impavide,… »
L’élan qui l’entend dit, d’un tout gai :
« Qui a fait, autour de lui, le vide
Ne doit pas se plaindre d’être relégué… »

© Christian Satgé – 06/06/2018

 

 

Nombre de Vues:

41 vues
Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

S'abonner
Me notifier pour :
guest

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Voir tous les commentaires