Casablanca – Simone Gibert

SG (années 50/60)

Casablanca, ma belle,

Ma belle ville blanche,

D’un coup à tire-d’ailes

Mes souvenirs se penchent …

 

Mais qui aurait pu croire

Qu’à mon âge, arrivée,

Je ressente intense

Chaque instant préservé ?

 

Première liberté,

Après la vie sévère,

Je ne pouvais qu’exulter,

Je me trouvais légère !

 

Tes brasseries ouvertes

Sur les places bruyantes,

Tes plantations vertes,

Et tes salles géantes

De cinéma, modernes ,

Aux affiches dessinées.

 

Ici, rien n’était terne,

Ô ! J’étais prédestinée

A aimer l’exotisme.

Quand près des fondouks, passant,

Je voyais l’héroïsme

Des porteurs, charges pesant

Sur leur dos, sacs de graines

Ou autres denrées sèches.

 

Pour eux pas de migraine,

Ils étaient dans la dèche…

Un beau parc de verdure

S’étendait dans ta ville,

Au lycée, le murmure,

 

Tuiles vertes qui brillent,

Ses galeries donnant sur

Les cours à ciel ouvert,

Légers bosquets près des murs.

 

Ah! On dresse le couvert

A l’internat-cantine,

Une odeur flotte dans l’air,

Venant des cuisines.

Du piano, la leçon

Résonne dans ma tête,

M’offrant une façon

D’être un peu moins bête…

 

Bâtiments municipaux

De blanc vêtus, la place

Portant leur nom, un drapeau

Au faîte de terrasse…

Les sirènes des bateaux

Du port grouillant de monde,

 

Et de l’océan , les eaux

De couleur profonde.

Blanches mosquées superbes,

L’appel à la prière,

Clamé de son haut verbe,

Effaçait la misère

Au fond des bidons-villes;

Sillonnés par les gosses,

Qui restaient sans asile,

Courant de plaies en bosses…

 

Et la rue Raymond Monod,

Dans ma chambre modeste,

Sûrement pas un  cadeau,

Mon âme lâchait du lest…

Sur la corniche, le soir,

Toute boîte de nuit,

Alouette du miroir,

Se révélait ennoblie…

 

Mes toujours maigres repas,

Ou pas de repas du tout,

Je ne me plaignais pas,

Préférant être partout.

L’épicier “de mon coeur”

Installé près de l’entrée,

Ouvrait du crédit, bonheur !

 

A cliente attitrée.

Il  “m’ôtait des épines” :

Du thon à l’huile-piment,

Conserve de sardines.

Je mangeais stoïquement,

Des spaghetti sans beurre,

Nul besoin de régime.

 

J’étais toujours à l’heure

Au point de vue estime :

Je mentais pour mes menus,

De bien pauvres mensonges

Qui restèrent inconnus,

Idiot ! Quand j’y songe !

 

Je n’avais que dix huit ans,

Aussi pour tout bagage,

Mon air réservé, d’autant,

Qu’il fallait du courage

Pour vivre seule ! Pourtant,

J’ai assumé. Liberté,

Je t’aime et aimée tant,

Tu es ma priorité !

©

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6 Commentaires
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Anne Cailloux
Membre
30 novembre 2019 20 h 20 min

Belle Casablanca, la ville blanche, si énigmatique, si belle, je vous rejoint. J’aimerai me glisser dans vos mots et voyager la bas…
Merci de ce voyage dans ce pays des milles et une beauté.
Anne

OberLenon
OberLenon
Invité
30 novembre 2019 16 h 54 min

Casablanca apparaît sous ses différentes facettes dans votre poème. Qui dit liberté dit choix, assumés. Ils vous ont amené jusqu’ici et votre chemin vous a permis de rédiger tous ces écrits. Contente de pouvoir vous lire. Merci à vous :)

Brahim Boumedien
Membre
30 novembre 2019 13 h 35 min

Que de souvenirs, Simone ! Merci pour le partage de ces belles images, gravées en nous jusqu’à la fin de l’âge !