Au soleil – Daniel Marcellin-Gros

Au soleil, les blés d’or sont érigés en meules,

Chaumines provisoires où se cachent les amants,

Se couvrant de baisers, “griffés par les éteules”,

 Sous l’œil concupiscent d’un très bleu firmament!

Dans ce décor champêtre, les moissonneurs transpirent

Et font siffler la faux comme siffle un serpent,

Ils s’épongent le front, et poussent des soupirs,

Et sur leurs lèvre bleue la salive se répand!

 

Bleuets et coquelicots se mêlent au jaune paille,

Emblème des poilus, morts pour nous, sur le front!

Après avoir livré leurs suprêmes batailles,

Chassant les boches haineux, et lavant leur affront!

Aujourd’hui il fait bon vivre dans nos campagnes,

Quand les cloches des églises aiment à tournoyer,

Mêlant leur timbre clair à l’écho des montagnes,

Et que les vaches paissent à l’ombre des noyers!

 

Dans ces petits villages qu’exècrent les gens des ville,

On peut se promener en toute quiétude,

Il n’est pas de mendiant qui tende la sébile,

Seules quelques rares chaumières tombent en décrépitude!

L’été l’on peut cueillir des mûres dans les buissons,

Croiser le vieux curé grenant des patenôtres,

Plein comme une barrique à force de boisson,

Rêvassant que son Dieu le traite en bon Apôtre!

 

Puis, de vieilles bigotes trottinent derrière lui,

Le porteur de soutane ne se retourne pas,

Il les accueillera à confesse la nuit,

Et, elles lui mentiront jusqu’à l’heure du trépas!

Les blés non moissonnés ondulent sous le vent,

Telle houle marine brodée d’écume d’or!

Oh la belle tempête avec ses creux mouvants!

Qu’aurait pu affronter de fiers conquistadors!

 

Campagne de mon cœur, de mes chers souvenirs!

Que j’aime ta terre ocre et tes sillons austères!

Berceau de mes ancêtres, tu me vois revenir,

Pour mes derniers beaux jours en homme solitaire!

J’aime à respirer, même l’odeur des bouses!

Préférable, c’est sûr, aux senteurs des usines,

 Engraissant les patrons, pâles dans leur vaste blouse,

Mais qui charrient madame, dans leurs grosses berlines!

 

Le soleil règne en maître et fait rougir sa forge,

Et il frappe les têtes comme on frappe l’enclume,

Tout comme Héphaïstos, qui très fier se rengorge,

Et, quand descend la nuit, il tend un voile de brume!

Puis la lune comme un quinquet de bouge s’allume,

Et contemple la nacelle des cieux couverts d’étoiles!

 

 Des pépiements parviennent de petits nids de plumes,

Les hommes fourbus s’endorment sur des matelas de toile;

Un beuglement plaintif, une vache fait son veau,

Le paysan accourt pour l’aider dans sa tâche,

Il lui donne du vin préparé dans un seau,

Et le petit déjà, se montre fort bravache,

Il se dresse sur ses pattes, hésite, et puis retombe,

Le pécore le bouchonne d’une poignée de paille,

Il s’applique, heureux, muet comme une tombe,

Puis referme la porte et rejoint son bercail…

 

Pays de mon enfance! oh doux pays que j’aime!

“J’ai connu de la ville, la foule et les tourments;”

Je t’avais délaissé, pour oeuvrer, quel dilemme!

Je resterai vers toi jusqu’au dernier moment…

Pour écrire au soleil mon tout dernier poème!

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©Daniel Marcellin-Gros

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2 Commentaires
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Christian Satgé
Membre
11 juin 2018 18 h 18 min

Un fort beau texte où la nostalgie point délicieusement. Il y a toujours même s’il n’est pas de “bon vieux temps” un passé qui nous a ravi…