Au bois mort – Christian Satgé

Petite fable affable

Sur un petit coin de la forêt,
Et par les beaux prés de son orée,
Régnait le très gros groin sauvage
De ce sanglier grognon hors d’âge.
Mais, terne d’humeur et de livrée,
Éteint d’esprit, le cœur en ivraie,
Il exigea que tout son royaume
Soit à l’image de sa grotte, home
Morose et froid. Oui, triste à mourir.
Insipide. À se laisser pourrir !
Nuages chagrins et soleil blême
Dans un ciel fade, effacé, de même,
Fuyaient, falots, l’ennui et le jour
De ce monde atone pour toujours.
Ici pas de chant, de cri, de rire,…
Et la couleur était à proscrire :
Fleurs blafardes pleurant sous la pluie,
Herbe délavée étaient beaux fruits !
Pelages puces et gueules sombres,
Les bêtes passées, partaient en nombre.

Sa laie ne goûtant pas les beaux lais,
La poésie, loin, fut exilée ;
Personnages livides, décor vide,
Son règne semblait faire un bide
Et son pays maussade et flétri
À tous semblait trop pâle et meurtri :
Même les souris en devinrent grises…
Sans ivresse ; l’aube, sans surprise,
N’offrait plus d’espoir ni de sursis
Et pas d’oiseau de passage, ici.

Seul un écureuil, glandeur nature,
Refusait les décrets immatures
De ce grotesque cochon des bois
Et de Ma’, sa femelle aux abois,
Étant toujours entre deux grossesses,
Grossiers souverains, tout en bassesses.
Souvent dandy et, parfois, bandit,
Roux de poil comme l’est l’incendie,
Il chantait, chassant le monotone
Jouait, riait,… en faisait des tonnes.

S’oublie, avec cet astre vainqueur,
La mort des corps, la rancœur des cœurs,…
Mais cette lumière faisait tâche.
À ce titre, traqué sans relâche,
Banni par décret, mis à prix par le roi
Dont vœux et souhaits sont Lois et Droit.
Nul ne l’avait attrapé ce sbire
Qui faisait refleurir des sourires !
Or ce boute-en-train providentiel
Avait volé un bel arc-en-ciel

Avant l’hiver voulu du monarque,
il cacha ses couleurs au hiérarque…
Et là, dans un coin de la forêt,
Et par les beaux prés de son orée,
Matin, tons et teintes mis en tubes,
Il fit pleuvoir, tel un vrai succube !
Le printemps revint. Et le bonheur
Avec. Pis, pour le plus grand malheur
Du roi fainéant, ses sujets lâches
Et serviles d’ordinaire, se fâchent.
Il les menaça du fer, du feu,
De la faim,… En vain. Notre suiffeux,
Roi maudit, dut fuir ces tropiques,
Désormais doux et gais : une pique
Aurait fait de sa tête un trophée
S’il s’était un peu plus échauffé
Ce vieux tyran mis en déroute !
Même si nous est permis le doute,
Ne désespérons, dans un combat,
De rien ni de personne, ici-bas.

© Christian Satgé – janvier 2016

Nombre de Vues:

16 vues
Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

S'abonner
Me notifier pour :
guest

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Voir tous les commentaires