AMOURS DE JEUNESSE
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CAUSSADE – classe de 6ème chez les Frères de Saint Antoine
Septembre : rentrée des classes : les odeurs par-dessus tout : odeur du neuf, le cartable, la trousse, le tablier obligatoire à l’époque –
je me souviens du mien, à petits carreaux « vichy » bleus et blancs-
Fini les shorts, on ressortait de l’armoire la jupe plissée bien sage.
Changement radical dans l’attitude de mon grand-père : il ne s’occupait plus de moi, il m’avait « rendue » à ma grand-mère pour préparer l’école : Affaires de femmes … !
Le jour de la rentrée arrivait. Ce jour-là, ma mère s’arrangeait pour se rendre libre et venir me voir. Dieu, que sa présence adoucissait ce moment.
Je savais qu’à midi, quand je rentrerai de l’école, il y aurait ma fée…
C’était ma dernière année à Caussade, chez les Frères de l’école Saint-Antoine, tolérant les filles en 6ème, mais après ? Il faudrait partir vers l’inconnu…
Mélangée aux garçons (en classe, pas à la récréation) c’était pour moi la découverte du sexe opposé.
Je ne comprenais pas bien leur fonctionnement : tout en baffes, bagarres, violences.
Nous étions encadrés par une équipe de choc en soutane : les chers frères, l’armée disciplinaire du Bon Dieu. Pour les garçons : gifles en public, brimades devant les filles.
Pour les filles, l’artillerie plus légère : lignes à copier, réprimandes, tiraillement des cheveux.
Et c’est cette année là que je connus mes premières amourettes. D’abord, un blond assez maniéré, qui s’appelait Denis -je crois-. Celui-là était intéressant car il mettait des bonbons dans mon bureau et guettait ma réaction en souriant aux anges comme un benêt. Finalement,
je mangeais les bonbons et notre amourette finit en même temps que ses économies.
Ensuite, il y eu Jean. Je me souviens encore de son nom de famille, mais je le garde secret. Avec lui, ce fut « sérieux » enfin, comme l’on peut l’être à 11 et 13 ans.
D’un an ou deux mon aîné, Jean me regardait passer dans le rang des filles quand je rentrais en classe et le plus discrètement du monde, m’envoyait des baisers passionnés cachés derrière sa main.
J’étais un peu gênée et surtout j’avais peur qu’un Frère ne le voit. Et puis, il s’est hasardé à m’écrire des lettres enflammées qu’il cachait dans les cabinets des filles, et me le faisait savoir par un messager.
Je me souviendrai longtemps de sa chevelure blonde, frisée et de ses yeux pétillants. Je connus un amour d’enfance, dans les effleurements chastes de nos corps,
très rarement réunis sous le préau lors d’une averse, et nos soupirs de jeunes enfants.
Pour lui, je coupais mes longues nattes qui m’arrivaient jusqu’aux hanches, et me fit faire une coupe « femme ».
Où est tu Jean dont je cachais les lettres sous les tuiles de la cabane des lapins ? Lettres que je n’ai jamais retrouvées, pleines d’innocence et de fraîcheur ?
J’ai soulevé toutes les tuiles, mais je n’ai jamais retrouvé ces souvenirs de nos premiers émois.
©Marie Combernoux
Hé oui les premiers soupirs, les premiers émois ,ça ne s’oublie pas Christian !
Amitiés
MARIE
Touchant et rafraîchissant comme seule la nostalgie et l’innocence peuvent l’être. Merci Marie…