196. Shirin Khodabacus – “Le fou sage”

LE FOU SAGE

On le trouvait sage
Il se disait fou
Il offrait en pâturage
À notre grande faim de loup
Les belles paroles d’anciens mystiques
À sa manière un peu excentrique

Adulé par bien de belles
Jalousé de quelques mâles
Un brin scandaleux, trop peu fidèle –
Son histoire, on peut la trouver banale
Moi je voudrais vous la conter grandiose
Je ne peux, hélas, que cette pale prose

Pauvre hère étrange, un peu farouche
Aux chagrins convertis en fantasmes
Si un trop on l’approche, on le touche
Il s’éloigne à grands coups de sarcasme
Mais sous ce masque parfois rugueux
Il a un cœur en satin, ce gueux

Viens, mais viens donc, me dit-il un jour
Viens effacer tes larmes sous la pluie
Et danser dans ma farandole d’Amour!
Tant d’astuces il eut pour m’attirer
Moi qui me faisais un peu prier
Telle Schéhérazade durant mille nuits

Ah! Ce cher fou, ce doux coquin
Si près de nous, si peu de nous
Si loin déjà dans ce chemin
Où l’on tâtonne, en disant ‘hu!’
Forts de nos si frêles ressources
Pendant qu’il s’abreuve à La Source

D’amour, d’Amour, aimez-vous!
C’est le refrain de ce vieux fou
Qui se vautre dans sa différence;
Là où l’on veut faire belle prestance
Lui, virevoltant à sa cadence
Il se gargarise d’insolence

Chaque nouvelle lune, il change de banc
Repose sa tête sur une bouteille vide
Qui plus tôt l’a fait voyager
Là où l’on ne peut, nous, aller
Et ainsi il s’endort en chantonnant
Cœur léger et conscience limpide

Il ne vient plus ce brave garçon
Nous emporter d’élans fougueux
En chantant ses belles litanies
Qui ont un petit air de folie
Non, il ne nous convie plus en chanson
Dans la ronde folle des amoureux

Je m’en suis retourné tantôt
À ma prison qu’est ce monde
Mais parfois dans mes rêves, je vagabonde
Et le retrouve chantant une mélopée
De divin et de mondain, entremêlée
Et cette douce rencontre devient ces mots

Nombre de Vues:

28 vues