169. Jo Cassen – “Que chante le caniche”

grand-juryPoème ayant retenu l’attention du Jury

Que chante le caniche

Ils sont morts ce matin d’avoir voulu trop croire ;
Du berceau de ce monde, étrangers au bonheur,
Portés d’un fol espoir, combattants du malheur,
Ils avaient bourlingué sans rechercher la gloire.

L’esquif aux cent dangers, balloté, dérisoire,
Un périple dantesque exacerbant la peur,
Aux abois mais si fiers, ils bravaient la terreur,
Et ouvraient grands les yeux au fond de la nuit noire.

Ils ont été trompés et trahis sans vergogne,
La raison du plus fort, allez-donc voir ailleurs,
L’herbe sera plus verte, oubliez la frayeur,
Votre présence nuit, que passent les cigognes.

En ce pays fantasque où s’empilent gigognes,
Les impôts, pressions, chimères d’orpailleurs,
Où notre Opale côte exclut les resquilleurs,
L’abri n’est plus offert, ni couvrante vigogne.

Le peuple souverain, jaloux de sa puissance,
Étouffe la pitié, chaque cri reste vain,
Le hideux, le pouilleux, bien sûr il s’en convainc,
Doit quitter notre sol, c’est la moindre décence.

Et le discours flatteur parle de renaissance,
De l’effort de chacun, du fertile levain,
D’enchanteurs lendemains, de crainte du ravin,
Et le crétin gentil jure l’obéissance.

En tout temps, en tous lieux, sur cette terre riche,
Fatuité des uns, sordide lâcheté,
Mollesse du quidam, vulgaire mocheté
Ont entraîné toujours la vertu vers la triche.

Peur de la différence, on regagne sa niche,
Et l’on reste entre soi pour fuir le tacheté,
Ce romani voleur expert du crocheté,
Et demain sera beau, que chante le caniche.

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